dimanche 11 décembre 2022

Manifestations du 11 décembre 1960 : Une ode à l’indépendance


Le 11 décembre 1960, le pays vibre et frémit sous les youyous des Algériennes, les cris des enfants, et les slogans scandés par tous, des manifestants lancèrent à la face du monde leur volonté d’arracher l’indépendance. 


Le pays s’embrase, c’est un véritable effet domino qui s’ensuit. Le mouvement ne tarde pas à sortir des frontières d’Alger, pour toucher Oran, Annaba et d’autres villes. Convaincus que la victoire est inéluctable, les Algériens sont sortis pour sonner le glas de l’empire colonial français.


La population déferle sur les barrages en criant à gorge déployée, «Tahia Djazair», des slogans peints sur des banderoles fusent de partout et des drapeaux algériens sont brandis en grand nombre. Il s’agit alors de reprendre la rue, et plus largement la ville à l’occupant, comme l’affirme Frantz Fanon dans son ouvrage Les damnés de la terre, un ouvrage qui participa fortement à l’internationalisation de la lutte du peuple algérien. 


Traduit dans plusieurs langues, ce texte servira de socle théorique pour de nombreux militants anticoloniaux en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Ces manifestations décisives ont été particulièrement mises en scène par le film La Bataille d’Alger, réalisé par Gillo Pontecorvo (1966), traduisant la diversité des profils qui ont investi les rues pour défendre et célébrer la liberté. Finir le film sur ces scènes de soulèvement est un choix intelligent, mais c’est avant tout un choix engagé : la bataille d’Alger, c’est l’entérinement/corroboration d’un peuple qui n’a jamais cessé de résister. Ces scènes traduisent la résilience et le courage sans fin d’un peuple asservi depuis près de 130 ans.


 
Le couronnement d’une série de soulèvements Ce n’était pas la première fois que les Algériens occupaient la place publique et exprimaient leur opposition à la politique de la France. Déjà en 1934, des manifestations avaient suscité des affrontements avec les forces de police à Alger. Les militants indépendantistes de l’Étoile Nord-Africaine prennent alors appui sur les jeunes pour lancer le Parti du peuple algérien. Mai 1945 est aussi une date où les Algériens s’étaient exprimés pour l’indépendance. Ce sont des moments décisifs où ils avaient pris conscience de leur rôle d’acteurs privilégiés de leur destin. Le mardi 14 juillet 1953, une manifestation anti-coloniale, à l’instigation du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), la CGT et le PCF, était noyée dans le sang. Les massacres du 17 octobre 1961, commis par la police française à l'encontre d’Algériens pacifiques, ont constitué le point d’orgue d’une répression, la plus sanglante en France depuis la commune de Paris.


 
Ces manifestations, du point de vue des pratiques répressives et contre-insurrectionnelles, ont largement inspiré le plan de répression mis en œuvre le 17 octobre 1961 à Paris par le préfet de police, Maurice Papon. La fin du diktat Le 11 décembre 1960, les manifestants ont surgi, par milliers, des quartiers ségrégués, au cœur des centres-villes coloniaux. Les soulèvements naissent ainsi sur les frontières urbaines de la ségrégation coloniale. À Alger, les premières révoltes à Belcourt sont suivies par celles des habitants du bidonville de Nador puis des autres zones précarisées. Des cortèges de femmes prennent la tête des manifestations et foncent sur des barrages militaires. Pendant près d’une semaine, des soulèvements sont réprimés impitoyablement. Chasse aux «ratons» Le racisme a nourri une haine viscérale à l’égard des manifestants. 


L’hebdomadaire France Observateur (en date du 15 décembre 1960) rapporte ceci : «Dimanche matin, vers 10 heures, rue de Lyon (quartier de Belcourt), un groupe de jeunes pieds-noirs d’une vingtaine d’années (certains portent l’insigne jeunes nations) discutent. Sur le trottoir des flaques de sang frais. Ils parlent des contre-manifestants de la veille : ‘’C’est une honte. Quand on pense qu’ils sont venus hier soir jusqu’ici avec les drapeaux des felouses ! Quand on est arrivé, on a appris ce qui s’était passé. Heureusement, il y a des Français qui ont tiré des fenêtres. Les ratons se sont sauvés comme des lapins. Quand aux taches de sang frais sur lesquelles nous piétinons, ils en expliquent ainsi l’origine. Celui là on l’a eu tout à l’heure. On l’a poussé dans l’encoignure de la porte, le fumier’’». Un homme d’une soixantaine d’années, cheveux blancs, retraité ou petit rentier, montre la pointe de son parapluie : «Je l’ai enfoncé dans la tête des melons», dit-il avec fierté. Le 19 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies vote la résolution 1573 (XV) reconnaissant au peuple algérien son droit à la libre détermination et à l’indépendance. La France a subi une cinglante défaite. Comme l’a justement noté l’historien allemand, le Pr Hartmut Elsenhans, le colonialisme français a connu, lors de ces manifestations, un Dien Bien Phu politique.
M. B.

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